Le lait, les jeunes et la santé osseuse
L’avis du Dr Laurence PLUMEY.
Médecin Nutritionniste. Praticien Hospitalier.
Fondatrice d’EPM Nutrition.Auteur de « Le Grand livre de l’Alimentation » aux éditions Eyrolles.
Le lait est une boisson considérée comme nutritive car riche de nombreuses qualités nutritionnelles. Raison pour laquelle, traditionnellement il est très consommé par les jeunes enfants auxquels il apporte protéines, calcium, phosphore et de très nombreuses vitamines (A, D et du groupe B). Il a d’ailleurs vocation à contribuer à leur croissance et à leur développement. Les parents aiment donc leur en donner à boire (le fameux chocolat chaud du petit déjeuner ou du goûter) et à manger (quiches, flans, crèmes …). Dès lors que l’enfant devient autonome, la consommation de lait peut s’en trouver affectée. Nous verrons que cette insuffisance d’apport calcique peut avoir des conséquences redoutables sur leur masse minérale osseuse à court, moyen et long terme. Il est donc clair que les enfants qui ne boivent pas assez de lait ne compensent pas avec les autres produits laitiers et qu’ils se retrouvent rapidement à risque élevé de carence calcique. Mais revenons aux qualités nutritionnelles du lait et aux raisons pour lesquelles il a une place importante à occuper au sein d’une alimentation équilibrée.
Le lait et ses qualités nutritionnelles …
Ses deux grandes qualités principales sont la teneur et la nature de ses protéines – et sa grande richesse en calcium.
Les protéines : le lait de vache en contient en moyenne 3,5g/100ml. Ainsi un bol de 200 à 250ml de lait apporte entre 7 et 10g de protéines, ce qui représente environ 20 à 25% du besoin quotidien en protéines d’un enfant de 7 ans (par exemple). C’est ni trop, ni trop peu. Boire du lait n’expose pas un enfant à l’excès de protéines d’origine animale au même titre que la viande si elle était consommée en trop grandes quantités (elle contient 20% de protéines). Par ailleurs, 80% de ces protéines sont sous forme de caséines et 20% sous forme de protéines solubles (dans le lactosérum), d’utilisation rapide et efficace au niveau des muscles. De plus, ces protéines sont de très bonne valeur nutritionnelle, car riches en acides aminés essentiels dont le corps a besoin (il ne sait pas les fabriquer). Enfin, autre avantage, ces protéines ne coûtent pas cher. Avec les protéines des oeufs, les protéines du lait ont le meilleur rapport qualité/prix.
Le calcium : le lait de vache en contient environ 115 à 120mg de calcium. En somme un bol de 200 à 250 ml en apporte entre 240 et 300mg de calcium soit 30% du besoin quotidien en calcium des enfants de 4 à 10 ans (800mg/jour) et 25% de celui des enfants et adolescents de 11 à 17 ans (1200mg/jour). C’est donc un apport important ! Ce calcium issu du lait est placé dans des conditions idéales pour être utilisé au mieux par les os et autres organes ; en effet, son coefficient d’absorption intestinal est idéalement de 40% (vs 30 à 35% quand il vient du règne végétal), car il cohabite avec les protéines et le lactose du lait qui facilitent son absorption intestinale. C’est ce que l’on appelle l’effet matrice.
Le lactose : c’est un disaccharide composé d’une molécule de glucose et d’une molécule de galactose. Le glucose est utilisé par les cellules comme carburant – le galactose est capté par les neurones, car il entre dans la composition de leurs lipides membranaires (phospho-galacto-lipides). Il est donc essentiel à la bonne vie des neurones – d’où son intérêt majeur dans le développement neuro sensoriel des nourrissons dont il est le seul glucide pendant les 3 à 4 premiers mois de la vie. Il doit être hydrolysé par une lactase localisée dans les cellules de la muqueuse duodénale (première partie de l’intestin grêle) ; celle-ci libère les 2 molécules qui peuvent ainsi passer dans le sang et jouer leurs rôles respectifs de carburant et de composant neuronal. L’adulte ayant moins de lactase que le nourrisson et le jeune enfant, certaines personnes peuvent ressentir des troubles digestifs à la consommation de lait. Il suffit alors de boire du lait sans lactose. A noter que le lait contient 5g de lactose /100ml, soit une consommation de 10g de lactose par bol – ce qui peut tout à fait être digéré par une lactase à 20% de son potentiel. Il suffit de fractionner la consommation de lait.
Les vitamines : qu’il s’agisse des vitamines B1, B2, B3, B5, B6, B8 et B12 … elles sont toutes représentées dans le lait. Lors des traitements thermiques, elles peuvent baisser en concentration selon la durée et l’intensité du traitement (environ 20% de pertes). Quant aux vitamines A et D, elles sont surtout présentes dans le lait entier.
Quid des autres laits ?
A noter que le lait de vache et de chèvre sont très proches dans leur composition ; ils ont les mêmes teneurs en calcium, en protéines et en lactose. Le lait de chèvre a toutefois des lipides aux chaînes un peu plus courtes, potentiellement plus digestes. Quant au lait de brebis, il est 2 fois plus gras et deux fois plus riche en calcium.
Le lait, le calcium et l’os : un enjeu important pour les jeunes !
Durant la période de croissance, et particulièrement au moment de la puberté puis de l’adolescence, le capital calcique osseux se constitue. En effet, le capital calcique osseux d’un enfant à la naissance un enfant n’est que de 30g alors qu’il est d’environ 1 kilo vers l’âge de 17-18 ans. Ainsi durant ses 18 premières années de vie, l’enfant puis l’adolescent va déposer progressivement du calcium dans ses os pour les rendre plus solides. Il va donc déposer les 500 premiers grammes entre l’âge de 4 et 10 ans – puis les 500 autres grammes entre 11 et 17-18 ans. Encore faut-il qu’il ait des apports calciques suffisants tous les jours durant cette période via son alimentation – et également un taux suffisant de vitamine D dans son sang pour bien le fixer au niveau des os. Raison pour laquelle le lait et les produits laitiers sont si importants durant cette période. L’enfant et l’adolescent ont besoin de 3 produits laitiers par jour, dont une consommation suffisante de lait !
Le petit déjeuner : une occasion rêvée de boire du lait.
Les enfants aiment boire du lait le matin au petit déjeuner. Mais attention, ils sont moins nombreux à en boire : en 2016, ils étaient 69% à boire du lait (enfants de 3 à 11 ans) mais en 2019, ils sont 65%. Quant aux adolescents de 12 à 17 ans, ils étaient 61% à boire du lait en 2016 et ils sont passés à 52% en 2019. L’apport calcique moyen est de 350 à 400mg de calcium quand ils boivent du lait. Et quand ils n’en boivent pas, cet apport chute à 100mg de calcium. Ils ne compensent donc pas par un autre produit laitier. C’est une perte sèche en matière d’apport calcique.
Les enfants ont des apports calciques trop souvent insuffisants…
C’est ainsi que, selon les dernières données de consommation INCA 3, les enfants de 4 à 17 ans consomment en moyenne 100ml de lait par jour, ce qui est insuffisant et les expose au manque d’apport calcique. Celui-ci est d’ailleurs confirmé par cette même étude INCA 3 qui montre que 38% des enfants de 7 à 18 ans ne couvrent pas les apports recommandés en calcium (dont 48% de filles) – et qu’entre 11 et 17 ans, ils sont alors 77% à manquer de calcium (dont 85% de filles) !
Quid en cas d’apport calcique insuffisant ?
La sanction est immédiate : une baisse du capital calcique s’installe rapidement. Celle-ci se produit très vite – mais elle peut très vite se corriger également si l’enfant se remet à boire du lait. En revanche, si l’enfant a manqué de lait et de produits laitiers pendant toute son enfance, les dommages sont irréversibles, car la capacité de capitalisation n’est plus du tout aussi efficace à l’âge adulte. Ainsi, non seulement ces enfants et adolescents ont des os plus fragiles, mais ils sont également prédestinés à développer, à partir de 50 ans, une ostéoporose plus précoce et plus sévère avec un fort risque fracturaire.
L’ostéoporose : une maladie pédiatrique
Véritable problème de Santé Publique, l’ostéoporose est la maladie du siècle des centenaires et des petits consommateurs de produits laitiers. Certes, il s’agit d’un vieillissement inéluctable de l’os mais celui-ci est accéléré sous l’effet de nombreux facteurs de risque : ménopause (arrêt de fabrication des oestrogènes qui favorisent la synthèse osseuse) surtout si elle est précoce, traitements répétés par corticoïdes, sédentarité et carence d’apport calcique surtout quand celle-ci s’est produite pendant l’enfance aboutissant à un faible niveau de capital calcique. Raison pour laquelle on dit que l’ostéoporose est une maladie pédiatrique.
En somme, pour réduire le risque fracturaire lié à l’ostéoporose, il faut boire du lait et manger des produits laitiers durant toute sa vie et surtout pendant l’enfance et l’adolescence. D’ailleurs certaines études ont montré que la DMO (Densité Minérale Osseuse) après la ménopause était corrélée significativement à la consommation de lait pendant l’enfance et l’adolescence. Cet effet est dû non seulement au calcium mais aussi aux protéines du lait.
L’ostéoporose en quelques chiffres …
Dans le Monde, il y a 9 millions de fractures ostéoporotiques par an soit une fracture toutes les 3 secondes. Une femme sur 3 et un homme sur cinq de plus de 50 ans auront des fractures dues à l’ostéoporose. Près de 75% des fractures de la hanche, du rachis et du poignet surviennent chez des patients âgés de 65 ans et plus. Une femme de 65 ans ayant eu une fracture vertébrale à 1 risque sur 4 d’avoir une autre fracture dans les 5 ans qui suivent.
Le risque de décès est de 25% dans l’année qui suit une fracture de hanche chez une femme de plus de 70 ans ! Donc, si on ne veut pas que nos vertèbres ressemblent trop tôt à des éponges fragiles, buvons du lait et ce dès notre plus jeune âge !